Le Saxophone

à travers le Jazz

Historique du saxophone 2/3

Dans la famille Sax, je demande la nourrice...

Peu de temps après la mort d'Adolphe Sax, un événement sans aucun lien se produit en Amérique : Elisa Hall attrape la typhoïde. Après sa maladie, elle est pratiquement sourde. Dans l'espoir de recouvrir l'ouïe, elle suit les conseils de son mari, médecin, et décide d'apprendre à jouer d'un instruments à vent. Elle choisit le saxophone, cet instrument bizarre dont joue un musicien qui passe parfois devant chez elle, et en fait sa passion.

Elisa Hall (1853-1924) n'en est pas à son coup d'essai dans le monde de la musique. Présidente directrice de l'Orchestral Club de Boston qu'elle a fondé avec Georges Longy, elle est depuis longtemps un des acteurs majeurs de la vie musicale de sa ville. Elle profitera de cet orchestre d'amateurs pour populariser aux Etats Unis à la fois la musique française et le saxophone, commandant pour ce dernier des oeuvres qu'elle interprète elle-même en tant que soliste. Il semble qu'Elisa Hall n'ait pas été une saxophoniste particulièrement douée, toutefois son amour immodéré du saxophone et de la musique française en général portera ses fruits : de 1900 à 1920, 22 partitions seront écrites à sa demande par différents compositeurs dont, entre autres, Vincent d'Indy, Florent Schmitt et Claude Debussy.

Mais si Elisa Hall se démène pour faire reconnaître son instrument préféré, le saxophone n'est pas pour autant sauvé. Il devient certes la coqueluche des orchestres de cirque, mais la musique classique le boude encore. De plus, le saxophone n'a pas de stars. Il faudra attendre Marcel Mule, musicien issu de la Musique de la Garde Républicaine, pour connaître le premier grand saxophoniste.

Elève saxophone : de gros progrès

Quand les Etats-Unis entrent en guerre en 1917, les soldats américains découvrent chez les ferrailleurs français des saxophones à bas pris qu'ils ramènent chez eux une fois la guerre finie. Le saxophone est ainsi introduit dans les orchestres de bal américains et devient très populaire. Les années 20 sont alors comme un âge d'or du saxophone : son utilisation dans les orchestres est de plus en plus fréquentes, et des compositeurs influencés par le jazz naissant lui offriront des places de choix (Darius Milhaud dans La Création du Monde en 1923, George Gershwin dans Rhapsody in Blue en 1924 et Un Américain à Paris en 1928). Les plus célèbres des solis de saxophone de cette époque sont certainement ceux de Tableaux d'une exposition de Moussorgsky (1923) et du Boléro de Ravel (1928) où ce dernier utilise les timbres ennivrants du sopranino en Fa et du ténor en Do.

Parallèlement, de l'autre côté de l'Atlantique, le Jazz en est encore à ses balbutiement et c'est sans fanfaronnade ni suspicion qu'il accueille le saxophone dont la popularité ne cesse de croître Les clarinettistes voient en lui un instrument à anche simple moins capricieux que le leur et l'adoptent sans difficulté. Ils s'en servent d'abord pour accompagner les cellules rythmiques, en jouant staccato ou en pratiquant la technique du slap. Mais petit à petit, les solistes commencent à s'imposer : Sidney Bechett au soprano, Coleman Hawkins et Lester Young au ténor, Charlie Parker et Lee Konitz à l'alto, ainsi que Johnny Hodges, Dexter Gordon, Jimmy Griffin, Sonny Rollins, John Coltrane... Michel Jonasz pourrait en faire une chanson : le règne absolu de la trompette est terminé.